Carlos MARIGHELLA, Questions d’organisation

 

Il y a cinquante ans, en dehors du Brésil, Carlos Marighella était principalement connu pour son Manuel de la guérilla urbaine, publié en France en 1970, quelques mois après sa mort. “Manuel” qu’il considérait lui-même plutôt comme “le résultat systématisé d’une expérience vécue”, et moins comme un manuel au sens d’instructions techniques, tel que suggéré par le titre. Il s’agissait en effet d’un compte rendu plus général des implications à considérer sérieusement avant de commencer à organiser une lutte clandestine.

 

A l’époque, une première edition de cet ouvrage par les Editions du Seuil sera interdite et les livres saisis sur ordre du ministre de l’intérieur, mais, immédiatement, avec le soutien du Syndicat National de l’Edition, un collectif de vingt-trois éditeurs se formera et decide de republier ce texte. Par la suite, le manuel a été traduit dans plusieurs langues et a suscité un intérêt particulier en Europe et en Amérique du Nord. Avec les “Trente questions à un Tupamaro” (Labrousse 1971, p 53-65), il était un des textes des plus étudiés dans les discussions sur la lutte armée du siècle passé (voir par example pour la lutte antifranquiste Rouillan 2009).

 

Nous avons décidé de republier quelques textes de Marighella par ce qu’il est difficile de les retrouver à ce jour, mais aussi par ce que les seules versions encore disponibles dans des éditions relativement récentes ont été falsifiées au point qu’elles n’ont plus rien à voir avec les originaux. Question d’intérêts politiques obscurs…. Les textes présentés ici ont été vérifiés et devraient être plus proches des originaux en portugais. Leur publication maintenant signifie en aucun cas une approbation de méthodes ou de chemins à suivre, mais, au contraire, devrait permettre des prises en compte critiques de l’histoire qui ne seraient réellement critiques que sur base d’expériences concrètes reflétées dans des textes authentiques.

 

Carlos Marighella a été un cadre du Parti Communiste Brésilien à partir de 1940. Il a fait partie du Comité Central de 1952 à 1966 et passa plusieurs années en prison. En 1954, il a fait des voyages en Union soviétique et en Chine, où il a rencontré Mao Zedong et d’autres leaders communistes. Après le coup d’état de 1964 au Brésil, des discussions au sein du PCB sur des questions de stratégie conduisaient à plusieurs dissidences. En décembre 1966, Marighella et d’autres ont quitté le PCB pour organiser des structures clandestines et préparer la lutte armée.

 

En août 1967, Marighella participe à la Conférence de l’Organisation de solidarité latino-américaine à La Havane, l’OLAS, qui regroupe les mouvements armés de l’hémisphère sud. Fin 1967, il retourne à São Paulo pour fonder le groupe de guérilla urbaine ALN, l’Action de Libération Nationale. Un de ses objectifs principaux est d’unir en une seule organisation les différentes forces révolutionnaires du pays.

 

Ce n’est qu’en 1970 que la plupart des mouvements de guérilla forment un front uni. Dès lors, ce front regroupera l’ALN, la VPR (Vanguarda Popular Revolucionária, formée par le groupe d’étudiants Marxistes POLOP et des survivants du Mouvement Nationaliste Révolutionnaire MNR, précurseur des premiers groupes armés), le MR-8 (Mouvement Révolutionnaire du 8 octobre, mouvement armé prenant son nom de la date de la dernière bataille du Che), le MRT (Movimento Revolucionário Tiradentes, aile armée du PC do Brésil maoïste) et le PCBR (PCB Révolutionnaire formé par d’autres dissidents du PCB).

 

Comme la chronologie dans cet ouvrage le démontre, les années situées entre 1968 et 1972 constituent la période la plus active des différents mouvements de guérilla au Brésil. L’intervention massive des forces spéciales des Etats Unis, notamment par des agents de la CIA et de l’Office of Public Safety, ainsi que celle des mercenaires français (voir Robin 2004), contribuent d’une façon importante aux massacres et aux défaites subies par ces mouvements dans les villes comme dans les zones rurales.

 

Le 4 novembre 1969, à São Paulo, Carlos Marighella tombe dans une embuscade montée par un escadron secret de la police politique spéciale. Criblé de balles, il meurt à 58 ans. Depuis la fin de la dictature militaire en 1985, l’endroit de la fusillade a été marqué par un mémorial. Trente ans après la mort de Marighella, l’architecte communiste Oscar Niemeyer a construit un monument qui lui est dédié à l’entrée du cimetière de Salvador de Bahia, son lieu de naissance et son dernier repos. Aujourd’hui, dans les favelas, les quartiers pauvres de presque toutes les villes du Brésil, il y a de nombreuses écoles qui portent le nom de Carlos Marighella.

 

 

Ron Augustin

 

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